Cercle de lecture du 18 octobre 2022
Marie-Odile
L’île haute Valentine Goby
Un enfant arrive en hiver dans une région de haute montagne. Parisien il découvre la neige pour la première fois.
"Je suis le fils de Sophie et de Joseph, je viens de Paris, je ne m'appelle pas Vincent mais Vadim et a priori, je suis une proie pour les Allemands". Sa nouvelle famille qu'il découvre, ce sont des braves montagnards qui savent qu'un potager, un élevage ou une clôture, ça s'appelle un défi.
Vincent comprend très vite qu'en montagne, tous les gestes sont utiles pour la survie. Il se lie d'amitié avec une petite fille qui s'appelle Moinette. Et comme tous les enfants de la montagne, elle ne joue jamais. Parce que coiffer les cheveux de sa poupée ou taper dans un ballon, ça ne sert à rien. Par contre, retourner des fromages, coudre, déblayer la neige, ça c'est utile.
Moinette, elle, n'envisage même pas que Vincent/Vadim ne s'appelle pas Vincent et de toute façon, personne ne pose de question. Et c'est ça que permet la montagne. C'est le secret, la cachette, une forme d'amnésie aussi.
Dans "L'île Haute", c'est exactement l'inverse : la montagne est maternante, nourricière, refuge.
Valentine Goby raconte la montagne qui protège de la mort. C'est magnifiquement écrit.
Ce qui est sûr, c'est que c'est la montagne, l'héroïne principale de ce roman aux sommets.
La cécité des rivières - Paule Constant
Éric Roman, a reçu le prix Nobel de médecine pour une recherche appelée «onchocercose», une maladie des pays chauds transmise par des parasites des cours d'eau qui provoquent des lésions cutanées puis la cécité.
Ce dernier effectue une tournée en Afrique et revient, un demi-siècle après, dans le pays où il a vécu, auprès de son père médecin-capitaine dans un hôpital de brousse.
Éric accepte de prêter de son prestige à une tournée présidentielle française en Afrique. Une équipe de l'hebdomadaire Grand Magazine l'accompagne pour saisir sur le vif, cinquante ans plus tard, son retour dans le pays de son enfance.
L'équipe abandonne la visite protocolaire et la voilà en route pour Petit-Baboua, un village aux confins du Cameroun et de la Centrafrique où se trouvait autrefois une léproserie et un hôpital de brousse dirigés par le père d'Éric, un médecin-capitaine, ancien des guerres coloniales.
C'est là que le futur prix Nobel a vécu de 12 ans à 15 ans, livré à son père brutal, méprisant et dépressif, sans l'affection de sa mère restée en France et sans livre car les cantines ont disparu pendant le voyage. Désespéré d'avoir perdu ses livres, il s'était mis en tête de les réécrire de mémoire.
Plus il s'approche de Petit-Baboua, plus il étouffe à l'idée de retrouver son enfance douloureuse laissée dans ce recoin du monde. Et quand enfin il pénètre dans sa maison de Petit-Baboua convertie en musée, son émotion est telle qu'il sent tout de suite qu'il ne pourra pas rester longtemps.
Éric découvre alors que son passé qu'il avait quitté comme une délivrance à 15 ans est planté en lui.
Le poste sanitaire de Petit-Baboua est une parcelle de lui-même qui a décidé de sa carrière scientifique.
On va où papa ? Jean-Louis Fournier
Avoir un enfant handicapé doit être une épreuve terrible. En avoir deux, c’est l’ironie d’un destin qui se joue de nous.
Dans ce récit autobiographique, Jean-Louis Fournier s’adresse à ses enfants. Il leur explique tout de leur venue au monde, même s’il sait très bien qu’ils ne comprendront pas, qu’ils ne liront jamais ces mots. L’auteur utilise beaucoup l’humour, souvent noir d’ailleurs, pour parler de ses enfants et évoquer le regard des autres.
Comme je vous l’expliquais, je n’ai pas apprécié l’écriture de cet auteur qui m’a choqué dans certaines phrases.
Je n’ai pas ressenti d’amour… tout revient sur sa propre personne, à aucun moment il ne plaint leur mère qui d’ailleurs l’a quitté.
Autres critiques : « j’ai lu certaines chroniques qui blâmaient l’auteur de ne pas être « humain », de « reprocher à ses enfants de ne pas être normaux », et qui condamnaient ce livre qui « manque de sentiments ».
Jill
Philip Pullman est principalement connu pour ses livres Jeunesse, nos jeunes ados l’adorent, mais pas que.
Car dans l’Univers « A la croisée des mondes », on change de registre. Les 3 premiers tomes ont été édités en bande dessinées pour les enfants et le premier a fait l‘objet d’une adaptation au cinéma avec Nicole Kidman et Daniel Craig, qui n’a pas eu un énorme succès et j’ai ma petite idée là-dessus. Car c’est un peu comme Harry Potter, le premier tome introduit l’environnement et les personnages à l’âge d’enfant évoluent vers des idées plus complexes. La comparaison s’arrête là, ce n’est pas du tout un monde de sorciers, rassurez-vous ! Les préceptes de base ici sont que:
- Dans cette version du monde, tous les êtres humains ont ce qu’on appelle un « daemon ». Ce sont des êtres qui représentent la conscience de l’humain auquel ils sont « arrimés », un peu comme Jiminy Cricket de Pinocchio si vous voulez. Toujours des animaux, ils changent de forme tout au long de l’enfance pour adopter une forme définitive à l’âge adulte de l’humain. Ils sont donc complices et complémentaires à leur humain, et ne peuvent s’éloigner de lui car dans ce cas tous les deux subissent des douleurs atroces. Sauf quand …. Mais là je ne peux pas en dire plus !
- Deuxième particularité : la Poussière, P majuscule. C’est une idée assez abstraite tout au long des 6 tomes, mais qui reste le mystère provoquant les agissements de pseudo-gouvernements …. Et là je dois m’arrêter également, car c’est la raison pourquoi la série n’est pas vraiment destinée qu’aux enfants. Il y a une profondeur de réflexions sur notre civilisation et les gouvernements qui résonne en moi et me fait penser à des échos dans notre monde, d’hier et d’aujourd’hui.
J’ai l’impression de ne pas traduire fidèlement tout cet environnement. Mais Philip Pullman (qui a 75 ans, a été anobli et fait partie des grands de la littérature en Grande Bretagne, je le dis en passant), dit :
« Croyant passionnément à la démocratie de la lecture, je ne pense pas que ce soit la tâche de l'auteur d'un livre de dire au lecteur ce qu'il signifie. Le sens d'une histoire émerge dans la rencontre entre les mots sur la page et les pensées dans l'esprit du lecteur. Ainsi, lorsque les gens me demandent ce que je voulais dire par cette histoire, ou quel était le message que j'essayais de faire passer dans celle-ci, je dois expliquer que je ne vais pas l'expliquer. De toute façon, je ne suis pas dans le domaine du message ; je suis dans le domaine du "il était une fois".
Corinne
CE QU’IL FAUT DE NUIT /Laurent PETITMANGIN
C’est l’histoire d’un père qui élève seul ses deux fils. Les années passent, les enfants grandissent.
Ils choisissent ce qui a de l’importance à leurs yeux. Et pourtant ce ne sont encore que des gosses.
L’un des frères va continuer des études supérieures à Paris, tandis que l’autre va s’éloigner peu à peu des valeurs que le père a essayé de leur transmettre.
Partout la solitude et des vies modestes racontées avec délicatesse et sobriété.
Le père et le fils ne se comprennent plus mais continue de s’aimer jusqu’à ce que le drame arrive dans leurs vies à tous les trois.
C’est une histoire de famille, de convictions et de choix différents, une plongée dans le cœur de trois hommes.
LES AMANDIERS FLEURISSAIENT ROUGE /Christian SIGNOL
L’histoire commence en Juillet 1936. Les troupes nationalistes de FRANCO entreprennent de conquérir le pays dirigé par les républicains : le drame de la guerre civile espagnole commence.
Soledad et Miguel se donnent l’un à l ‘autre avant que Miguel, enrôlé de force malgré ses opinions, parte combattre dans les rangs nationalistes.
Soledad va l’attendre mais la guerre va changer leurs destins.
Malgré une vie envahie par la peur, les chagrins et la pauvreté, elle va trouver un peu de réconfort auprès de Luis, un milicien républicain.
Mais devant la menace franquiste, elle devra fuir encore, traverser l’Espagne et partir toujours plus loin.
Josiane
Le guerrier de porcelaine Mathias MALZIEU
En juin 1944 le père de Mathias qui vient de perdre sa femme et veut retourner se battre va envoyer son fils Mathias, dit Mainou 9 ans, par-delà la ligne de démarcation en Lorraine caché dans une charrette de foin chez sa grand-mère qui a une ferme ainsi qu’une épicerie au nez des Allemands qui ont annexé une partie de ce territoire. Mathias va connaître cette famille et va écrire ce qu’il ressent en parlant à sa mère et de faire son deuil et de survivre. Ecriture simple, facile à lire et intéressant,
Les Rokesby a cause de Melle Bridgerton Julia QUINN
Le roman se passe dans l’Angleterre des années 1779 dans le Kent. Véritable garçon manqué Sybilla Bridgerton a grandi avec les enfants du domaine voisin. Elle arrive à un âge où elle doit se marier et bien entendu, elle va tomber amoureuse d’un des fils du domaine voisin. Un peu déçu de ce roman, beaucoup de longueur et certaines scènes répétitives.
Siffle la nuit Rebecca Netley
Le roman se déroule dans les années 1860. Elspeth accepte un poste de gouvernante sur une île près d’Edimbourg pour s’occuper de Mary une fillette qui ne parle plus depuis la mort de son frère jumeau William, mort survenue quelques jours après la disparition de leur nounou. Elspeth réussit au fil des jours à construire une relation avec la petite Mary mais il se passe d’étranges phénomènes dans ce manoir, des fantômes, des poupées vaudou apparaissent dans des pièces abandonnées. La maison serait-elle hantée ? Rien d’autre dans ce roman à part des fantômes, ou le déplacement de petites poupées qui apparaissent.
Agatha Raisin enquête au Galop MC Beaton
Lorsqu’elle apprend le mariage de son ami Sir Charles avec une mystérieuse cavalière, le sang d’Agatha ne fait qu’un tour. La jeune mariée et Agatha vont se crêper le chignon et on va découvrir le cadavre de la jeune mariée quelques heures plus tard. Pour prouver son innocence, Agatha va se lancer dans une course contre la montre. Roman facile à lire et pas trop mal tourné.
Michèle
Le jeune homme, Annie Ernaux
Quarante pages provocantes sur l’histoire d’amour entre une femme de 54 ans et un jeune homme de trente ans son cadet.
Toujours le même style, ascétique, méthodique, exigeant.
Annie Ernaux parle d’elle, encore et toujours, et ce dernier livre, dont on dit qu’il sera essentiel dans son œuvre, m’a ennuyée.
Comme d’autres avant lui.
Apparemment les jurés du Nobel apprécient beaucoup cette écrivaine engagée, et c’est bien, mais cela ne suffit pas pour l’obtention de ce prix prestigieux et international.
Le livre des sœurs, Amélie Nothomb
Tristane, enfant surdouée, souffre de l’indifférence de ses parents, trop amoureux l’un de l’autre pour avoir du temps pour elle.
La naissance de sa petite sœur Laëtitia est une révélation. Son esseulement prend fin et l’amour entre les deux sœurs est fusionnel, et source de bonheur extatique pour l’une et l’autre.
Dans cette famille, la tante, personnage original, aimant, est débordée par ses propres enfants, trois garçons insupportables et une fille, très proche des deux sœurs.
J’ai bien aimé cet hymne à la fratrie et la complicité entre les sœurs et leur cousine.
Comme souvent, Amélie Nothomb dérape et bâcle la fin de son livre, mais on lui pardonne cette fois-ci.
La synagogue (une BD), Johan Sfar
Le narrateur, qui est Sfar lui-même, n’est pas un fervent pratiquant et pour éviter de fréquenter la synagogue, il en devient un des vigiles. Car un juif ne peut pas prier en paix, des bombes ont explosé dans des synagogues.
« La peur n’a jamais fait de bien aux juifs »
La figure du père de Sfar, avocat pied noir engagé, est bouleversante.
Cette bande dessinée est intelligente, drôle, importante, et rappelle ce que fut le Front National au temps où il ne faisait pas semblant d’être un parti comme les autres .
Lutter contre tous les extrémismes politiques est le message majeur de Johan Sfar.
Joëlle
L’enfant toscan Rhys BOWEN
En 1944 Hugo Langlay survole la Toscane. Il est touché par un avion allemand. Son avion est en feu. Son équipier et son copilote sont morts. Il doit se parachuter dans la campagne occupée. Gravement blessé il trouve refuge dans un monastère en ruines. Une italienne Sofia viendra le soigner et l’aider mais il sera trahi.
En 1973, Joanna revient dans la campagne anglaise pour préparer les funérailles de son père. Un père froid et peu aimant. Un lord dépressif et peu avenant ayant eu des revers de fortune qui vient de décéder d’une crise cardiaque.
Parmi ses effets personnels elle trouve une lettre adressée à Sofia et retournée à l’expéditeur. Celle-ci contient une révélation bouleversante.
Se remettant d’un grave traumatisme Joana décide de partir en Italie afin d’éclaircir le passé de ce père qu’elle connait peu.
Qui est Sofia ? a-t-elle trahi Hugo ?
Joana se retrouve dans ce village de Toscane où elle court peut-être des dangers.
L’horizon pour elle a dénoué sa ceinture Rebecca BENHAMOU
C’est un roman biographique de la vie de Channa Orloff.
Née en 1888 en Ukraine ; En 1905 elle part avec ses parents en Palestine où elle apprend la couture. En 1910, elle quitte la Palestine pour Paris où elle veut être libre et décide de sa vie et de son avenir d’artiste. Elle travaille chez Paquin, maison de haute-couture.
Le couple Paquin la pousse à se présenter au concours de l’ l’Ecole des Arts Décoratifs dans une section réservée aux femmes en 1911 pour apprendre la sculpture. On la suit dans le Paris des artistes du quartier Montparnasse au gré de ses rencontres avec Soutine à la villa Seurat, Modigliani à qui elle présente celle qui deviendra sa compagne Jeanne Hébuterne etc.
Elle fréquente également l’académie Marie Vassilief où elle rencontre de nombreux artistes dont Picasso, Foujita, Apollinaire.
On assiste à l’éclosion d’une artiste incroyable qui réalise des sculptures monumentales, de nombreux dessins de nus.
Elle rencontre Ary Justman, poète polonais. Elle expose aux côtés de Matisse, Rouault, Van Dongen.
Elle devient mère d’un petit garçon. Ary meurt en 1919 de la grippe espagnole.
Elle devient une portraitiste reconnue. Elle obtient la nationalité française et fait construire son atelier à la villa Seurat.
Son succès est grandissant. Elle échappera de justesse à la rafle du Vel d’Hiv et s’enfuit avec son fils à Grenoble puis en Suisse.
Elle revient à Paris en 1945 et trouve son atelier saccagé et pillé mais elle se remet au travail. Elle expose à travers le monde avec grand succès.
Elle expose aussi en Israël où elle meurt en 1968.
Cette femme sera une amoureuse passionnée, qui voulait vivre libre et discrète.
L’auteur précise bien que son personnage est un mélange de réalité, suite aux témoignages et enquêtes et d’extrapolation. Ce côté romancé et humain est très agréable à lire.
FIN